Histoire de l'Artillerie de Marine

Histoire de l'Artillerie de Marine.

Rédigée par le Lieutenant BOURLET, service historique de l'armée de terre et parue dans l'AOB n° 337 de novembre/décembre 2003.

          C'est à la fin du XVIIème siècle que l'artillerie de marine trouve ses origines. La formation de la première unité, le corps royal d'artillerie de marine en 1692, inaugure une longue histoire des faits d'armes glorieux et de sacrifices. Que ce soit en France, en Europe et outre-mer, sur les navires de la Royale ou à terre, les artilleurs de marine ont été de toutes les batailles de la France.

          Après de nombreuses réformes et quelques changements d'appellations au cours du XVIIIème siècle, un corps d'artillerie de la marine est créé en octobre 1795. Organisé en quatre régiments en 1803, il est nommé, finalement, corps impérial d'artillerie de marine en 1804. Il est destiné à défendre l'empire colonial français. Mais la France de Napoléon 1er ne réussit pas à conserver ses possessions outre-mer. L'artillerie de marine est donc déployée en Europe. Officiers, sous-officiers et canonniers sont appelés à prendre part aux combats. Ils se distinguent notamment en Allemagne où ils se battent vigoureusement face aux Coalisés. Le 2 mai 1813, à Lützen, la victoire française est en partie due à l'héroïsme du 1er régiment commandé par le colonel Lomond d'Esclevin. La bataille est rude et acharnée. Le colonel est tué et le régiment perd près d'un tiers de son effectif. Le souvenir de ces hommes tient une place importante dans les traditions de l'artillerie de marine. "Lützen 1813" est gravé en lettres d'or sur les emblèmes des 1er, 2ème et 11ème RAMa. Cependant, en 1814, aux lendemains de l'épopée napoléonienne, l'artillerie de marine est remise à la disposition de la marine. Devenue régiment d'artillerie de marine, l'unité est chargée de fournir des garnisons aux colonies et, très rarement, d'assurer un service à bord des navires.

1842 est une année fondatrice dans l'histoire de l'artillerie de marine. Le régiment reçoit un nouveau drapeau dont il était privé depuis le rétablissement de la monarchie. Néanmoins, il faut attendre l'établissement du Second Empire de Napoléon III en 1852, pour que l'artillerie de marine soit de nouveau engagée dans l'action. Les couleurs de l'artillerie de marine flottent alors fièrement en mer Baltique à Bomarsund en 1854, en mer Noire à Sébastopol en Crimée en 1855 ainsi que pendant la difficile aventure mexicaine (1862-1867). Toutefois, le drame de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 scelle le destin du Second Empire. L'artillerie de marine forme l'artillerie de la division bleue du général de Vassoigne (1813-1886). Elle s'illustre, avec quatre batteries, à Bazeilles le 1er septembre 1870.
Aujourd'hui, l'étendard du 1er RAMa porte 14 inscriptions dont celle de "Bazeilles 1870".


          Après la défaite de 1870 et une période de stabilisation, la France amorce dès 1880 ce qui va devenir la grande époque de la colonisation.


          La France de la IIIème République a retrouvé une certaine force. Elle cherche par l'expansion coloniale à prouver sa grandeur. C'est donc naturellement que l'artillerie de marine joue un rôle déterminant dans la conquête coloniale. Ainsi, à Sontay-Lang Son en Extrême-Orient en 1883-1884 et à Madagascar en 1895, les artilleurs de marine prêtent main forte à l'infanterie de marine. En 1892, des éléments du 3ème régiment d'artillerie de marine se couvrent de gloire dans la très difficile expédition du Dahomey. Les maladies, les pénibles climats, la jungle et autres terres inhospitalières et parfois l'hostilité des populations locales deviennent le quotidien des bigors. A la fin du XIXe siècle, l'appartenance de l'infanterie et de l'artillerie de marine au ministère de la marine n'est plus nécessaire.
Le 7 juillet 1900 les troupes de marine passent au ministère de la guerre. Elles deviennent "troupes coloniales" le 1er janvier 1901. Leur mission est double : défendre la métropole et affirmer la souveraineté française aux colonies. Les trois siècles de grandeur, de services, de sacrifices et de traditions sont reconnus le 14 juillet 1910. Ce jour-là, le 1er régiment d'artillerie coloniale, descendant des corps de l'artillerie de marine de la monarchie et de l'empire, reçoit la croix de la Légion d'honneur. A la veille de la grande guerre, l'artillerie coloniale est forte de trois régiments renforcés par les régiments du Tonkin, de Cochinchine, d'Afrique occidentale française et d'Afrique équatoriale française. La majeure partie de ces unités est engagée dans plus de quatre années de guerre qui vont se révéler terribles et meurtrières. De la même manière que l'artillerie métropolitaine, l'artillerie coloniale participe pleinement à la première guerre mondiale.
Des combats de rencontre d'août 1914 aux batailles acharnées de l'Artois, de la Somme, de Verdun, du chemin des dames et du Dobroplje à l'armée d'Orient, les "artilleurs colo" sont de toutes les batailles avec leurs canons de 75.


          Les inscriptions et les décorations portées sur les étendards des régiments témoignent de leur engagement et de leurs actions. Ainsi, la citation à l'ordre de l'armée que reçoit le 3ème régiment d'artillerie coloniale en novembre 1918 résume à elle seule le rôle de ces unités : "splendide régiment, animé des plus hautes traditions d'énergie et d'Honneur. Au feu depuis le début de la campagne, vient de donner au cours des combats de la Versine (28 juin 1918), Longpont (juillet 1918), Cramaille (juillet 1918), Souche et Serre (octobre et novembre 1918) sous le commandement du Lieutenant-colonel Bidon Jacques Joseph Louis, les preuves les plus éclatantes de son esprit de sacrifice et de sa valeur manœuvrière en appuyant son infanterie avec hardiesse, efficacité et sans souci des pertes sévères. A grandement contribué, par la précision de ses feux à la prise brillante du village de Bois-les-Pargny (5 novembre 1918)". Lorsque l'armistice est signé le 11 novembre 1918, de nombreux régiments, créés pour la guerre, sont dissous. La réorganisation de 1919 réduit l'artillerie coloniale à quatre régiments.

          Toutefois la situation tendue en Afrique du nord et au Levant provoque la constitution des nouvelles unités. Le régiment d'artillerie coloniale du Maroc et le régiment d'artillerie coloniale du Levant doivent faire face dans ces régions à des situations parfois très difficiles et tendues, cependant sans commune mesure avec la guerre européenne qui s'annonce à la fin des années trente. Lorsque la Seconde Guerre mondiale est déclarée, certaines batteries coloniales combattent sur les fronts du nord et de l'est. Devant l'avancée allemande, l'armée française ne peut que battre en retraite. L'armistice de 1940 plonge l'armée française dans une période trouble. Après l'armistice, il ne reste que trois régiments d'artillerie coloniale et un groupe de DCA. Toutefois, le 6 juillet 1940, des bigors choisissent de ne pas déposer les armes et de poursuivre la guerre. La 31ème batterie du 6ème régiment d'artillerie coloniale se rallie aux Forces françaises libres. Elle forme ainsi l'embryon de l'artillerie des Français libres. Petit à petit, certaines unités se réorganisent et se joignent aux Alliés. Le 19 décembre 1941, par décision du général Catroux, commandant en chef des troupes du Levant, est créé le 1er régiment d'artillerie des forces françaises libres. Le chef d'escadron Laurent-Champrosay est à sa tête. Avec quatre batteries, le régiment constitue l'artillerie de la 1ère brigade française indépendante. Elle se couvre de gloire sous les ordres du général Kœnig. A Bir Hakeim et El Alamein en 1942, Takrouna en 1943, au Garigliano en 1944, les canons de la coloniale sont de toutes les batailles. Ils appuient brillamment de leurs feux la progression des Alliés. Mais les pertes sont lourdes.


          Le 18 juin 1944, alors qu'il reconnaît une route vers Scotte Morte en Italie, le véhicule du lieutenant-colonel Laurent-Champrosay saute sur une mine. Transporté à l'hôpital, il meurt dans la nuit des suites de ses blessures et est inhumé le 19 juin au cimetière de la division à San-Lorenzo. Aujourd'hui, le 1er régiment d'artillerie de marine est dépositaire des traditions de cette unité d'artillerie des Forces françaises libres. Dans le même temps, autour du colonel Crepin puis du colonel Fieschi, les bigors du 3ème RAC participent activement à l'épopée du général Leclerc de Koufra (février 1941) à Berchtesgaden (mai 1945) en passant par la libération de Paris et de Strasbourg. L'artillerie de marine poursuit le combat jusqu'au cœur de l'Allemagne, et lorsque le conflit en Europe s'achève le 8 mai 1945, déjà les premiers bruits de guerre se font entendre dans l'empire. Ainsi, de 1945 jusqu'au milieu des années 60, plus que jamais les troupes coloniales sont sollicitées. De la cuvette de Diên Biên Phu au Djebel, le temps des guerres coloniales coïncide avec l'époque des sacrifices et des déceptions. Les troupes coloniales ne puisent-elles pas leur histoire et leurs traditions dans les colonies ?

          Et celles-ci échappent progressivement à l'autorité de la métropole. La décolonisation est un tournant dans l'histoire de l'artillerie coloniale et génère de grandes mutations. L'appellation "coloniale" ne correspond plus : le 1er décembre 1958, l'artillerie coloniale reprend son nom d'artillerie de marine. Enfin, en 1970, l'artillerie de marine est supprimée en tant qu'arme et est fusionnée avec l'infanterie de marine formant ainsi les "troupes de marine" (TDM).
Depuis, dans le cadre d'accords de coopération, la France maintient des forces prépositionnées dans certains Etats d'Afrique Noire. De cette manière, les bigors s'illustrent au Zaïre en 1977 et 1978 et au Tchad dans les années 1970 et 1980. Quelles que soient les modalités d'emploi de la force, dans des opérations sous mandat de l'ONU ou non, l'étendard de l'artillerie de marine a flotté fièrement et avec honneur au Liban, dans le désert iraquien, dans les Balkans, au Cambodge et au Rwanda. Au service de la France et de la paix, les artilleurs de marine sont les héritiers d'un passé prestigieux qu'ils perpétuent chaque jour par leurs actions.

Lieutenant BOURLET, service historique de l'armée de terre.

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